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La Folie douce par Clara Dupond -Monod

Penser un instant que l'on puisse vivre dans un château caché au fond d'un lac. Envisager sérieusement qu'il existe un pont sous l'eau, ou bien coupant comme une épée. Soutenir que la meilleure protection contre un verger, ce sont des murailles d'air... Quelle idée ! Et pourtant, les auteurs du Moyen Age, pour la plupart anonymes, l'ont fait. Ils ne l'ont pas seulement imaginé : ils l'ont écrit. Les traces de leurs textes sont restées, copeaux d'imaginaire qui soupoudrent notre siècle... Et notre raison. La folie douce du Moyen Age n'était pas vécue comme telle ; on ne détermine pas ce qui est « fou » et ce qui ne l'est pas. Elle est intégrée à la vie médiévale – voyez les fous qui enjolivent les banquets, ou ceux qui braillent dans les villages sans que l'Eglise n'y voit encore la marque du diable. Ils sont là, inscrits dans la vie quotidienne. Beaucoup plus tard, une partie de la littérature jugera cette folie douce blasphématoire, et préfèrera parler du réel, décrire des objets, ou bien l'auteur se dissèquera lui-même. Dommage... C'est oublier qu'il faut de la générosité pour projeter ses rêves sur le monde, et préférer l'illusion à sa propre petite vie. A cela, l'humain ne peut pas renoncer. Alors les choses seraient résumables ainsi : il était une fois une fantaisie qui égayait les veillées. Elle se glissait partout dans la vie, faisait bouillir les sources, ouvrait les yeux des pierres, donnait un chant aux vents d'été. Vint le temps de la raison, qui décidé d'éteindre la lumière. On réfléchit, sectionna, ouvrit le champ de la science. La fantaisie somnolait, attendant son moment de retour. Eh bien le voici ! Le travail de Chrystel Savornin donne le signal : c'est l'heure pour la folie douce de se réveiller !

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